Ces petites applications qui s’installent sur le bureau font aujourd'hui l’objet de toutes les attentions. Pourquoi un tel engouement ? Quels en sont les enjeux stratégiques
Une nouvelle bataille fait discrètement rage sur Internet. Nom de code de l'opération :
widget.
Ces petites applications utilisables directement depuis le bureau d'un
ordinateur permettent aux internautes d'accéder aux informations du Web sans avoir à ouvrir leur navigateur Internet. Beaucoup d'acteurs Web, depuis les moteurs de recherche, en passant par les portails, les éditeurs, ou encore les annonceurs, se sont lancés dans cette nouvelle guerre qui vise à conquérir au plus vite cet espace privilégié qu'est le bureau des internautes. Mais que cache cet engouement ?
En fait, ces "métachoses" que sont les widgets permettent d'agréger des
flux d'informations - vidéo, texte, jeux… - en les proposant sous une forme ludique et facilement accessible. "C'est une façon d'accéder au contenu du Web via une application intégrée et un univers spécifique", explique Grégoire Baret, directeur conseil chez
Duke.
Ces gadgets numériques permettent ainsi de créer l'équivalent d'un portail Web directement depuis le bureau d'un ordinateur en juxtaposant des petites applications indépendantes les une des autres. Elles font alors office de "super favoris" pour accéder sans aucun clic aux contenus désirés, reléguant du coup le navigateur Internet au placard.
On comprend dès lors l'engouement des grands acteurs du Web pour ce phénomène émergeant. Les grandes multinationales du Net sont d'ailleurs sur la brèche : Google avec son application Desktop Search, Apple ainsi que Yahoo qui a racheté la jeune pousse Konfabulator en 2005, mais surtout, Microsoft qui propose nativement son gestionnaire de widgets avec son nouveau système d'exploitation Vista. Quant au portail d'agrégation
Netvibes, il a entamé les grandes manœuvres pour standardiser la création de widgets, toutes ces plates-formes n'étant, bien sûr, pas compatibles.
"Placer un widget c'est court-circuiter ses concurrents"
La prime reviendra à la plate-forme qui aura réussi à fédérer le plus grand nombre de développeurs pour accroître son écosystème de widgets, et à obtenir la visibilité et la notoriété la plus importante. "Placer un widget sur le bureau c'est court-circuiter des concurrents, explique Laurent Taton, le PDG de Nosibay, un éditeur d'applications dédiées au bureau. Et ce seront les grandes plates-formes de widget qui contrôleront ce levier en choisissant de mettre en avant certains partenaires. Un service qui sera de fait monétisable."
Si les géants du Web et quelques jeunes sociétés ont déjà pris position sur ce marché, les annonceurs et éditeurs de sites ne sont pas non plus en reste. "L
'e-mail, par exemple, a une bonne capacité d'attraction, mais il est difficile d'émerger. Tandis qu'avec un widget, nous entrons dans une relation unipersonnelle et intime. Un internaute qui installe un widget sera plus sensible à l'information qui lui sera transmise", explique Paul Boulanger, directeur de l'agence FullSix qui a notamment réalisé des widgets pour le compte de SFR ou encore de la SNCF.
Autre avantage, les widgets sont relativement souples. Ils permettent en effet de consulter toutes les formes de contenus multimédia disponibles en ligne : texte, vidéo, photo, podcast. Au delà, ils permettent également aux internautes d'interagir dynamiquement comme ils le feraient sur un site traditionnel. L'agence FullSix a par exemple réalisé un widget pour les chaînes Eurosport et LCI dont l'objet était de permettre aux internautes de recevoir des contenus vidéo. Le widget
LCI proposait ainsi de choisir entre 3 flux vidéo en direct ainsi que de piocher dans la base existante au moyen d'un moteur de recherche. Une façon pour ces deux chaînes TV de prendre position sur le Web en prévision du déplacement des téléspectateurs du poste de télévision vers l'ordinateur.
Les e-commerçants eux aussi ont tout intérêt à occuper au plus vite une place sur le bureau des utilisateurs. "Un widget qui permet de payer en ligne donne une position de force à un commerçant", précise d'ailleurs Paul Boulanger de l'agence FullSix. Il en va de même pour les comparateurs de prix, les moteurs de recherche ainsi que les médias traditionnels qui pourraient ainsi créer un nouveau canal de communication privilégié avec leurs prospects.
Seules les applications les plus pertinentes survivront
Mais les widgets ne s'inscrivent pas uniquement dans une stratégie B2C. Des approches B2B ont également été entreprises. Le distributeur de bouteilles de gaz Prima Gaz a ainsi décidé d'animer son réseau de prescripteurs par l'intermédiaire d'un widget. "L'application a été expédiée au réseau dans un CD carte de vœux. Nous voulions matérialiser le widget sous forme de cadeau pour signifier sa valeur-ajoutée", explique Sabine Maréchal, directrice de l'agence L'agitateur e-Media. 8.000 kits ont ainsi été distribués et 50 % des utilisateurs l'ont installé.
Réussir à placer un widget sur le bureau d'un internaute est d'ores et déjà un défi, car l'espace proposé par un écran d'ordinateur est par définition limité : seuls les applications les plus pertinentes survivront. Charge à l'éditeur du widget de proposer un service à valeur-ajoutée afin d'en pérenniser la présence sur le bureau. "Les widgets ne doivent pas être mis en place systématiquement. La question est de savoir quel contenu justifie une installation sur le bureau par l'utilisateur", analyse Grégoire Baret de l'agence Duke.
Dans cette perspective, le widget TGV et moi créé par FullSix pour la SNCF propose aux internautes d'accéder aux horaires de trains, aux tarifs ainsi qu'à du contenu éditorial réactualisé. L'agitateur e-Media a choisi, pour sa part, de signer un partenariat avec le groupe media Newsweb pour enrichir le widget Prima Gaz avec des informations sur l'actualité du rugby ou encore des goodies directement téléchargeables. Le
New York Times est, lui, allé encore plus loin dans la réalisation de son widget maison. Ce dernier propose de naviguer dans un ensemble de fils d'information accessibles via une interface paramétre
Le champ des possibles restent donc relativement ouvert. Mais, il y a fort à parier que le futur du widget passe par une généralisation des applications e-commerce intelligentes. Elles seront par exemple capables d'intégrer un moteur de recommandation afin de proposer aux internautes une sélection de produits au plus près de leurs goûts, accompagné de coupons de réductions. Ces widgets permettront également de communiquer en intégrant des fonctionnalités de VoIP ou de messagerie instantanée. Les deux fondateurs de AOL, Steve Case et Ted Leonsis, viennent d'ailleurs de placer 5,5 millions de dollars dans le second tour de table de Clearspring Technologies, un service de syndication de widgets.
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