Flickr a bien failli ne jamais exister. Ludicorp, la société éditrice du service, travaillait sur un jeu vidéo online massivement multijoueurs lorsque l'un de ses ingénieurs proposa d'y intégrer un outil de partage de photos en temps réel adossé à un espace de chat. Ce module, intitulé FlickrLive, allait connaître un succès inespéré au point d'être finalement développé indépendamment du projet initial. Les premières versions permettaient par exemple de collecter des photos sur le Web. L'application a peu à peu évoluée jusqu'à disparition des salles de chat et l'apparition de la possibilité pour les internautes d'héberger leurs propres photos en ligne.
Flickr a ainsi officiellement
vu le jour en février 2004. Après seulement 3 mois d'incubation, ce service Web
permettait aux internautes d'héberger et de partager gratuitement leurs photos
sur Internet de manière ludique et collaborative. Flickr doit son succès de
l'époque à un positionnement qui le plaçait au moment opportun à la convergence
de plusieurs phénomènes émergeants. D'une part l'explosion des ventes
d'appareils photo numériques et de photophones qui facilitent le partage de
clichés. D'autre part la montée en puissance des réseaux sociaux qui incitaient
les internautes à interagir de manière collaborative sur Internet et enfin, le
succès des blogs pour lesquels Flickr a très vite proposé toute une palette
d'outils interactifs et de syndication comme par exemple des widgets.
Flickr a notamment acquis ses galons de référence du Web 2.0 en étant un des
premiers sites à proposer un usage poussé des folksonomies, néologisme
définissant une méthode de classement basée sur une catégorisation spontanée et
collaborative de contenus numériques grâce à l'attribution de mots clefs.
Jusqu'alors les photos disponibles sur Internet n'étaient identifiables que par
les méta-données associées au fichier lors de sa création.
Flickr a donc réintroduit
auprès des internautes la possibilité de qualifier un cliché a posteriori et
donc de le catégoriser de manière automatique, de le noter ou de l'annoter. Des
groupes d'internautes passionnés pour un sujet sont donc en mesure d'identifier
les clichés et leurs propriétaires et de rentrer en contact par le biais de
forums ou par e-mail. Une nouvelle forme d'interaction se crée alors.
Le succès est instantané. En un an, de décembre 2004 à décembre 2005, Flickr
verra sa part de marché progresser de 1.317 % aux Etats-Unis (source
Hitwise). En janvier 2005 Flickr comptait 230.000 membres qui partageaient une
base de 3,5 millions d'images. A raison de plus de 250.000 nouveaux clichés par
jour en moyenne, Flickr héberge désormais plus de 130 millions de photos
postées par 3 millions d'utilisateurs amateurs ou professionnels. Le nombre de
visiteurs uniques américains est ainsi passé selon ComScore de 5,1 millions en
mai 2006 à 6,3 millions en août 2006, soit une augmentation de 24 % en 3
mois.
Flickr occupait en juin 2006 et aux Etats-Unis la sixième place des services de
partage de photos avec près de 6 % de parts de marchés derrière notamment
Photobucket.com avec 44 % et Kodakgallery.com, anciennement Ofoto, avec 6,52 %.
Des acteurs clefs du Web tels que Google et Microsoft sont notablement absents
de ce top 10 des principaux sites de partage de photo publié par Hitwise.
Ce succès n'est pas resté
longtemps inaperçu. En mars 2005, Yahoo décide d'acquérir la jeune pousse
canadienne pour un montant tenu secret mais estimé entre 16 et 35 millions de
dollars. Une bonne affaire pour Yahoo qui cherche alors activement à sauter à
pieds joints dans le Web 2.0 et à moderniser ses applications. Au contraire du
récent rachat de http://www.hitwise.com/par Google, motivé par une logique d'acquisition d'une
communauté et d'une audience, Yahoo cherche alors plus à intégrer de nouvelles
approches communautaires à son portail que d'absorber un site à forte audience.
Jeremy Zawodny, un des premiers membres de l'équipe de développement des
infrastructures de Yahoo précise d'ailleurs sur son blog que ce rachat visait à
"flickeriser Yahoo". L'objectif pour le portail est de mixer les
services communautaires, le tagging, la syndication et les interfaces
intuitives de Flickr avec les applications de Yahoo.
Des liens sponsorisés de la régie Yahoo Search Marketing ont ensuite
discrètement fait leur apparition sur Flickr. Mais le service de partage de
photos ne compte pas uniquement sur la publicité pour rentabiliser son
activité. Le site propose ainsi des comptes premiums qui permettent notamment
aux utilisateurs avancés d'uploader jusqu'à 2 Go de photos chaque mois au lieu
des 20 Mo proposés aux titulaires de comptes gratuits. Les utilisateurs de
Flickr peuvent également commander en quelques clics des tirages papiers des
clichés qu'ils hébergent sur la plate-forme ainsi que ceux des communautés
auxquelles ils appartiennent
La communauté des utilisateurs de Flickr, majoritairement passionnée de photographie est peu encline à partager et consulter des clichés piratés ou des photos contraires aux bonnes mœurs. La communauté parvient donc à s'autocensurer avec une relative efficacité dans le but de privilégier des contenus neufs et pertinents. Cette efficacité ne met cependant pas Flickr à l'abri des déboires liés au respect des droits d'auteurs. Récemment, des photos volées du prochain long-métrage "Shrek 3" ont ainsi été rapidement retirées du site à la demande des studios Dreamworks.
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